A Rio, Matéo Bohéas était éliminé dans l’épreuve de Classe 10 en simple. Accompagné de Cédrick Cabestany, il a également pris part à la Classe 9-10 par équipes, dans laquelle il termine 4e. Rencontre. 

Comment ça va ? 

“J’ai repris les cours seulement lundi. J’ai pris le temps de redescendre émotionnellement et de récupérer du décalage horaire. Je suis reparti dans une vie normale : sortie avec les amis, études, entraînements.”

L’ambiance au Brésil. 

“C’est une aventure exceptionnelle. J’étais le seul joueur de l’équipe de France de tennis de table à vivre mes premiers Jeux. J’ai adoré cette expérience, c’était la plus belle de ma vie. Et de loin. Les conditions de jeu, l’atmosphère au village olympique, l’ambiance dans les tribunes : tout est vraiment incroyable. Cela m’a aussi conforté dans l’idée que le tennis de table prenait une grande place dans ma vie, et m’a donné envie de continuer à représenter la France pendant de longues années. Quand je vois l’émotion incroyable que procure une médaille chez Fabien Lamirault ou Stéphane Molliens, j’ai envie de continuer à progresser pour revenir encore plus fort à Tokyo. Il n’y a que le sport qui peut procurer ce type d’émotion. On ne s’est pas mélangé énormément aux autres sports. Je n’ai pas du tout eu l’occasion d’aller voir d’autres disciplines, car j’ai joué du premier au dernier jour. Pendant mes jours de repos, j’ai préféré aller voir mes collègues pongistes. Mais l’ambiance entre les athlètes étaient très bonne. J’ai pu discuter agréablement avec les basketteuses lors de la cérémonie d’ouverture par exemple.”

Matéo Bohéas lance sa compétition en poules face à Bakar, un Malaisien que le Français avait déjà dominé.  

” Je gagne en faisant un très mauvais match, comme mon adversaire. On était tendu et stressé par l’enjeu. “

La seconde rencontre de poules l’oppose au Chinois Ge, que Matéo avait battu en début d’année. Le Chinois le domine pourtant. 

“Ge est 6e mondial mais il était 3e il y a 4-5 mois. Lorsque je l’avais rencontré, je jouais le meilleur ping de ma vie. Sa préparation a été très bonne et il avait un bien meilleur niveau qu’au moment où je l’avais rencontré. Je ne fait pas le meilleur match de ma vie, mais je n’ai aucun regret car il était tout simplement meilleur. Il est d’ailleurs devenu champion paralympique de notre catégorie. C’était de la malchance au tirage au sort. En poules, j’étais plutôt tendu, je n’ai pas joué un super tennis de table.”

En 1/8 émes de finale, Matéo affronte le numéro 2 mondial de la catégorie, l’Indonésien Jacobs. Un homme contre lequel Matéo a perdu 4 fois, pour aucune victoire. 

“Quand je sais que je devrais disputer un 1/8e de finale, je me dit qu’il n’y a plus rien à perdre. Curieusement, j’ai réussi à contrôler la pression. Je fais un très gros match, avec un bon niveau de jeu, une ambiance de folie dans la salle avec tous les supporters français. Je ne l’avais jamais battu, mais ça faisais longtemps que je ne l’avais pas vu jouer car il n’était pas sorti en Europe. Je ne l’avais pas rencontré depuis 2 ans. J’ai pu accumulé de la confiance sur ce match avant mon 1/4 de finale.”

Un 1/4 de finale où il rencontre le numéro 1 mondial en personne : le Polonais Chojnowski. 

“En décembre, je l’avais accroché en passant à deux points de la victoire. Je savais donc qu’il y avais moyen. Toutefois, j’appréhendais énormément le match. Je commence super bien, et je constate également qu’il n’est pas très content de me jouer car j’étais un des seuls à l’avoir accrocher ces derniers mois. Après avoir remporté la première manche, je concède la seconde en ne jouant mal tactiquement. Dans le troisième set, j’ai au moins 2 balles pour conclure dont une occasion facile que je loupe sur une balle haute. C’est le tournant du match, car il prend la confiance et, de mon côté, je suis dégoûté. Il me met une taule dans la quatrième manche pour finir. Il y a quelques regrets, mais ils sont atténués car il n’avais pas perdu de rencontres depuis très longtemps. J’ai fait mon match. Ce sont mes premiers Jeux, c’est déjà très bien d’être arrivé à ce stade de la compétition. J’ai fait ma “compét”. En terme de niveau de jeu, de pression et d’expérience, ça va m’apporter beaucoup pour la suite de ma carrière. J’étais plutôt satisfait après l’épreuve de simple. J’ai manqué de chance au tirage au sort en rencontrant successivement le Champion Paralympique, et les numéros 1 et 2 mondiaux.”

Après l’individuel, Matéo rejoint Cédrick Cabestany pour l’épreuve par équipes. En 1/4 de finale, les français tombent sur les locaux Brésiliens. 

On a eu la chance de les jouer en semaine. Il n’y avait donc pas énormément de supporters brésiliens présents dans les tribunes. J’avais décidé avant la rencontre de ne pas m’exprimer, pour ne pas me fâcher avec le public local. Sportivement, on n’a pas fait un grand match. Mais on a été juste en terme de niveau de jeu. On savait qu’on était meilleur, il ne fallait simplement pas craquer.

L’heure de la demi-finale arrive, face aux “dangereux” Chinois. Après une défaite en double, Matéo Bohéas affronte Lin Ma, un Classe 9. 

“En double, on ne fait pas un mauvais match mais les Chinois étaient meilleurs. On n’avait pas de solutions. En simple, je joue contre un garçon que je n’avais jamais rencontré. L’effet de surprise était donc possible. Je fait un bon match dans l’ensemble. Le niveau de jeu était là. Tactiquement, je n’étais pas trop mal. Je perd 12/10 à la belle. Cela aurait pu passer, mais encore une fois ça ne tourne pas en ma faveur. Tout se joue sur des détails. J’ai pris un gros plaisir, car les supporters français étaient une nouvelle fois présents.”

Les Tricolores disputent donc la 3eme place contre la Pologne. Matéo retrouve Chojnowski. 

“Le double était le match à ne pas perdre, car on savait que Chojnowski nous attendait ensuite en simple. On passe complètement à côté, on ne fait pas du tout ce qu’on veut. On s’incline finalement en trois sets. Il y avait beaucoup de bruit car les Brésiliens jouaient en même temps. J’avais beaucoup de mal à me concentrer. Après ça, on savait que ça allait être compliqué avant d’affronter le numéro 1 mondial. Une nouvelle fois, je débute bien. Mon adversaire n’aligne pas les coups comme à son habitude, il n’est pas très content de me rencontrer. J’empoche le 1er set, mais je n’arrive pas à tenir la durée. Il n’y a rien à dire, il a été meilleur tactiquement. “

La relation avec Cédrick Cabestany

“On a beaucoup joué ensemble les 6 derniers mois. Je suis allé travailler le double avec lui à l’Insep et pendant les stages. Mais on se voit beaucoup moins que les joueurs en fauteuil. On a très peu de stages en commun. A cause de sa maladie, Cedrick s’entraîne très peu. On a toutefois une bonne complicité. Il m’apprend à bien me reposer, me donne de nombreux conseils. Je pensais qu’on allait arriver à Rio en super forme, mais je me suis rendu compte qu’il nous restait encore de nombreuses choses à travailler. Notamment sur les choix de jeu. Je pensais qu’on se connaissait super bien, mais j’ai constaté que c’était très peu le cas. Il va falloir qu’on en discute si on veut repartir ensemble sur une nouvelle olympiade. On s’entend très bien quand on est en compétition ou en stage, mais il y a moins de cohésion que chez les fauteuils. Compte tenu de son ancien parcours professionnel en valide et de son poste  d’entraîneur des valides en compagnie de Patrick Chila, il me donne toutefois de bonnes pistes et de précieux conseils.”

Et maintenant ? 

“Je veux disputer plusieurs Jeux. Si Paris organise cet événement en 2024, cela deviendra un grand objectif pour moi. Cette organisation permettrait à la ville d’ériger de nouvelles structures sportives, nous permettant d’encore mieux nous entraîner pour progresser et atteindre les podiums paralympiques. Mes motivations sont de pouvoir défoncer tout le monde à Tokyo dans 4 ans, car j’étais quand même frustré de ne revenir sans rien de Rio. Je serais toujours motivé pour représenter la France, participer aux grandes compétitions et monter sur les podiums. Je m’entraîne 15 heures par semaine depuis 10 ans. Le tennis de table représente une grande partie de ma vie. L’an prochain, il y aura les premiers Championnats du Monde par équipes. Habituellement, les épreuves par équipes sont organisées en même temps que les individuels. A partir de janvier, je vais reprendre les entraînements à fond pour préparer cette échéance. D’ici là, je vais me concentrer un peu plus sur mes études.”

Article extrait de Info TT